Gravure sur bois retrouvée récemment dans un de mes classeurs. Elle est peu connue, dans les ouvrages de magie que je possède je ne l’ai jamais rencontrée et je crois que Robert Reed et Ricky Jay qui s’intéressaient au sujet ne la connaissaient pas. Cet escamoteur* présente, entre autres, l’antique jeu des gobelets. Bien que le magicien américain Hannibal prétende qu’il s’agit « du deuxième tour le plus ancien décrit dans le livre« , je pense qu’il s’agit en fait du premier.
On cite pour preuve de son ancienneté une représentation sur un papyrus égyptien qui daterait d’environ 2500 ans avant J.C. et découvert dans le tombeau de Beni Hassan où on trouverait ce joueur de gobelets également représenté sur une fresque. Ce papyrus est conservé actuellement dans un musée en Allemagne. J’en ai trouvé mention dans « The Annals of Conjuring »* de l’éminent membre du Magic Circle à Londres, le juge Clarke.
Je trouve pour ma part que cet Egyptien qu’on y voit accroupi et vu de profil, comme on les représente d’habitude à cette époque, est en train de manipuler des pots de fleurs en terre cuite plus que des gobelets, étant donné la taille de ces derniers. C’était aussi, si ma mémoire ne commence à me jouer des tours, ce qui serait un comble pour un magicien ou un ex magicien devrais-je dire, l’avis d’un éminent membre de notre confrérie, je veux parler de l’historien Peter Warlock. Dans un de ses articles dans Abracadabra*, le seul hebdomadaire de magie au monde édité pendant plus de cinquante années d’abord par Goodliffe puis par les Davenports, Peter soutenait que cette scène ne représentait absolument pas un escamoteur mais lui faisait plutôt penser à un boulanger en pleine préparation de miches de pain avec de la pâte.
Il y a une version bien plus amusante. Il ne s’agirait pas non plus d’un escamoteur mais ce personnage serait en fait en train de modeler et de mouler dans ces pots des excréments de chameaux ou de dromadaires que par la suite il ferait sécher au soleil. Ces excréments servaient de combustibles dans les fourneaux des cuisines ou pour chauffer les temples et les demeures. Evidemment les Egyptiens n’avaient ni le gaz ni l’électricité et ne connaissaient pas le charbon ni les « pellets » que l’on nous oblige aujourd’hui à utiliser pour chauffer nos maisons qui sont de véritables passoires thermiques. On faisait donc avec les moyens du bord et il me semble que la végétation forestière a toujours été rare dans ce genre de pays.
Cette gravure fut imprimée à Turnhout et s’inspirait certainement de gravures plus anciennes provenant de Hollande. Image de Brepols N° 80.
* Escamoteur. D’après le Larousse Universel escamoter provient de l’ espagnol escamotar de escamar, écailler et du latin squama, écaille. Un escamotage est un vol subtil et détourné (misdirection!).
Autrefois une escamote était un petit objet qui servait aux prestidigitateurs pour opérer leurs tours. Ah! Ah! Aujourd’hui nous employons tous l’anglicisme « gimmick » en lieu et place de ce joli mot… Le magicien présentant le jeu des gobelets escamotait habituellement une véritable noix, fruit du muscadier. Celle-ci est souvent remplacée de nos jours par une petite balle éponge souvent rouge ou une petite boule de bois recouverte d’une pièce réalisée en coton crocheté, elle aussi de couleur rouge.
Nous employions souvent l’expression « Passez muscade !« pour indiquer que le tour était réussi.
A SUIVRE…
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